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Renforcement musculaire et course à pied : une évidence ?

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Etat des lieux

Ci et là, on lit beaucoup que le renforcement musculaire serait une évidence pour le coureur à pied : prévention des blessures et augmentation de la performance, voilà un combo gagnant ! Alors, renforcez-vous, ce sera forcément bénéfique.

Mais… si au lieu de parler de l’outil, on parlait de la stratégie pour une fois ?

Les séances de renforcement musculaire restent un outil pour compléter l’entraînement de course ; les modalités (EMOM, circuit training, bonds…) un outil pour orienter les séances ; et les charges additionnelles un outil pour ajuster la contrainte des modalités. En bref, pas le cœur du problème.

Le cœur du problème, c’est la stratégie : que cherchez-vous à faire ?

Si vous êtes dans une optique uniquement de sport santé, que vous souhaitiez donner le meilleur de vous-même à un marathon, optimiser vos performances ou atténuer un facteur limitant, elle sera forcément différente. Sachant qu’il faut faire de choix, nos emplois du temps n’étant pas extensibles.

Bref, si vous intégrez le renforcement musculaire, vous aurez des choix à faire, et deux options principales :

  • Réduire votre temps de pratique spécifique pour l’intégrer.
  • Augmenter votre temps de pratique général pour l’ajouter (en fin de séance, avec une séance supplémentaire…).

C’est donc un peu plus complexe qu’un simple « le renforcement musculaire est indispensable » : c’est une histoire de stratégie cohérente, qui correspond aux compétences que vous voulez développer à court, moyen et long terme. C’est la première question à se poser avant de choisir quel outil on va employer.

La question du transfert au centre de la réflexion

Le renforcement musculaire est un sport croisé pour le coureur, au même titre que le vélo, la natation ou le beach-volley si cela vous chante. C’est-à-dire qu’en l’intégrant, on va partir du principe que les compétences acquises dans un sport complémentaire vont me permettre de progresser dans mon sport spécifique. Ce n’est pas autre chose !

Progresser inclut tout un tas de choses : à long terme en me permettant de limiter les blessures, à moyen terme en me permettant de mieux encaisser l’entraînement spécifique, ou à court terme en optimisant un point fort, ou au contraire en atténuant un facteur limitant.

A propos des blessures, il est communément admis (et cela a été étudié de nombreuses fois) que le renforcement musculaire peut réduire le risque de blessure chez le coureur. Je l’admets aussi évidemment, et l’expérience de terrain me le confirme. Sauf que… ce n’est pas toujours si évident que cela selon le type de renforcement mis en place (1).

La notion de transfert interspécifique dans les sports à dominante psychomotrice, comme la course à pied, n’est en effet pas si évidente : c’est la répétition qui favorise l’adaptation, davantage que dans les sports à dominante sociomotrice (comme les sports collectifs par exemple).

Bon concrètement, on fait quoi ?

Je vais prendre le cas le plus fréquent, celui où l’on veut donner le meilleur de soi-même sur une compétition, un marathon par exemple (que ce soit de le courir en 2h30 comme en 4h00, là n’est pas la question). La première étape est de poser sa stratégie et de planifier les choses : de quelles compétences j’ai besoin, à quelle période je vais les développer, avec quels outils… ?

Une fois cette stratégie posée, et les outils spécifiques déterminés, on va réfléchir au fait de savoir si l’on a besoin d’outils complémentaires, comme le renforcement, pour être plus efficace, ou est-ce que le fait de simplement courir est suffisant. De nouvelles questions se posent :

  • Mon entraînement va-t-il impacter sur ma santé, et si oui, dois-je contrecarrer cela ?
  • Mon entraînement spécifique est-il suffisant pour m’exprimer pleinement le jour J ?
  • Mon caractère fait-il que je peux me contenter de courir, ou ai-je besoin de diversité ?

Un exemple concret

Je vais prendre un exemple concret, le mien en l’occurrence. J’ai préparé cette année mon premier marathon (je suis un homme des chemins en montagne, pas du bitume^^), que j’avais prévu de courir en 3h00 (j’ai finalement mis 2h52). Ce n’est pas un modèle réplicable, juste une stratégie qui correspondait à mon contexte. Et vous verrez que le renforcement musculaire est indissociable de cette stratégie, et surtout du travail spécifique.

J’avais 4 focus (par ordre d’importance) :

  1. Tenir 42 km sur bitume
  2. Tenir 3h00 à l’allure visée
  3. Encaisser l’entraînement sur le bitume (à court, moyen et long terme)
  4. Pouvoir accélérer si la forme est là

J’ai construit ma stratégie à partir de là, et intégré le renforcement musculaire pour optimiser l’application de cette stratégie. Je ne considérais pas qu’il allait me faire courir plus vite, ou plus longtemps, mais qu’il allait m’être utile pour encaisser l’entraînement et les transitions sur le bitume, et me permettre de réaliser toutes les séances de courses indispensables.

Vous noterez que je n’ai pas réalisé du renforcement tout au long de la préparation : sans entrer dans le détail, j’ai fait une parenthèse avec une course en montagne pour développer d’autres compétences, et on ne peut pas courir plusieurs focus secondaires en même temps, c’est un principe de planification simple.

En fait, le renforcement généraliste m’a permis d’accompagner l’augmentation progressive du volume en début de préparation, puis un mix de force et d’explosivité m’ont permis d’encaisser la transition quasi complète sur bitume en fin de préparation. Il n’a jamais pris le pas sur l’essentiel, cela juste été un allié de circonstance, très précieux.

En résumé

Le renforcement musculaire est comme sport croisé, qui va forcément interférer avec l’entraînement d’endurance : l’entraînement n’est pas le même si vous vous contentez de courir que si vous ajoutez du renforcement musculaire (ou que vous remplacez une partie de votre entraînement de course).  Je ne vois honnêtement pas comment on peut affirmer le contraire.

Les interférences ne sont d’ailleurs pas forcément négatives, elles peuvent être positives s’il est correctement amené : on en revient encore une fois à la stratégie ! C’est une PPG en fil rouge qui supporte l’entraînement spécifique (avec parfois des interruptions), qui doit laisser du temps et de l’énergie pour la pratique spécifique. Dans un contexte amateur, voici mes conseils :

  • Une orientation force-endurance (8-12 TRM) sous forme de circuit est un très bon compromis entre ce que vous ne pouvez pas développer de manière spécifique et ce qui serait trop coûteux à intégrer.
  • Une orientation force (5-6 TRM) ou d’explosivité (bonds p.e) est parfois utile si vous êtes expérimenté(e) en course à pied et en musculation, mais est à manier avec précaution (coût nerveux et structurel), sans pour autant être indispensable.
  • Les circuits trainings et leurs variantes sont de très bons outils en transition / entretien, voire en sollicitation métabolique en cas de besoin.

Si vous avez des courts créneaux (1h00), pour l’intégrer sans rogner sur la fréquence d’entraînement (qui est l’un des piliers de la progression) et le moins possible sur le volume (qui est l’un des autres piliers), choisissez des modalités qui vous permettent de réaliser la séance après un footing de 20 à 30 minutes en guise d’échauffement. En effet, si vous réaliser 10 minutes d’échauffement et 30 minutes de renforcement, le temps de sortir, il ne vous reste pas beaucoup de temps pour courir…

Si vous avez un peu plus de temps devant vous, c’est l’idéal : vous avez le temps de vous échauffer et de démarrer par le renforcement musculaire et partir courir dans la foulée, dans le but de « transférer » les compétences acquises en situation spécifique, ou d’en développer d’autres avec une pré-fatigue.

Et le plus important, prendre du plaisir à l’entraînement, et dans la réalisation de votre objectif. A vous de placer le curseur entre ce qui est utile, voire nécessaire, et ce qui correspond à ce que vous aimez faire !

Petit coup de promo, j’ai balayé très brièvement les grandes lignes ici, mais vous pouvez retrouver une approche plus complète dans mon livre « La prépa physique de l’endurance », disponible sur www.prepa-endurance.com.

Bonne course…et bon renfo !

Nicolas Vandel

(1) Toresdahl BG, McElheny K, Metzl J, Ammerman B, Chang B, Kinderknecht J. A Randomized Study of aStrength Training Program to Prevent Injuries in Runners of the New York City Marathon. Sports Health. 2020Jan/Feb;12(1):74-79. doi: 10.1177/1941738119877180. Epub 2019 Oct 23. PMID: 31642726; PMCID:PMC6931177.

2 réflexions sur “Renforcement musculaire et course à pied : une évidence ?”

  1. Bravo pour cet article!
    J’apprécie son approche réfléchie, avant tout posée dans un contexte et toujours adaptable quelque soit son niveau.
    Bref j’ai hâte de recevoir son livre!

    Merci à tous les 2

    1. Salut !
      Merci d’avoir pris le temps de lire et de laisser ce retour en commentaire !
      Nicolas est un vrai professionnel et son livre est une pépite pour tous les amateurs d’endurance.
      Si vous avez aimé l’article, je vous recommande le livre ✌️

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