Une étrange et chaotique attraction

D’abord le chaos

Le choix des exercices, séries, programmes d’entrainement peut faire l’objet de confusions ou de grandes difficultés pour établir un choix avec toutes les propositions du monde connecté. Voici quelques éléments de réflexions théoriques et d’orientations stratégiques :

Dans la théorie du chaos, ce dernier est l’état d’un système, d’un organisme qui se situerait entre l’ordre et le désordre. En gros on ne peut pas tout prévoir, mais il ne se passe pas n’importe quoi.

Imaginons la rééducation d’une blessure :

Ordre : de chaque intervention du praticien découle un résultat précis dans le temps prévu.

Désordre : le praticien exerce une action mais aucun résultat n’est prévisible. Pire des réactions inattendues et d’amplitudes diverses se produisent.

Chaos : les actions du praticien permettent de donner une direction au processus mais les délais et les amplitudes des effets sont difficiles à prévoir. Les études réalisées dans un monde ordonné (laboratoire par exemple) et les statistiques réalisées en situations désordonnées et chaotiques nous permettent d’avoir une idée de ce qui pourrait marcher et dans quelles conditions.

La direction, la tendance qui semble émerger dans la théorie du chaos, s’appelle un attracteur étrange. Ces éléments plus fiables sont également qualifiés d’invariants.

Comprendre le mouvement

Dans les années 1960, Nikolai Bernstein observe les mouvements de bras d’un forgeron qui tape avec son marteau, puis ceux d’un débutant.

Stupeur, les mouvements de bras des deux comportent autant de variations sauf au moment de l’impact où le forgeron est beaucoup plus précis. Cette « répétition sans répétition », le geste n’est jamais vraiment le même, du forgeron se caractérise cependant par une « attraction » plus forte et précise sur le point d’impact.

Cette variabilité du mouvement chez le confirmé n’empêche pas une structuration de son système : cerveau, neurones, synapses, système musculaire, orientent les structures du corps pour trouver des solutions intelligentes qu’il pourra retrouver et utiliser. Ces ensembles de solutions créent des coordinations musculaires qui structurent des zones d’attractions et des zones de fluctuations.

Retour sur l’activité physique :

Basé sur ces éléments et sur l’effet Lindy (l’espérance de vie d’une idée, d’une méthode est basée sur la durée de sa vie actuelle. En gros ce qui a fait des preuves depuis longtemps à plus de chance de durer que quelque chose de plus récent) dans un système incertain et chaotique (la vie quoi) nous pourrions orienter simplement nos corps, nos entrainements vers trois attracteurs étranges qui ont fait leurs preuves depuis longtemps. Trois directions fiables donc.

La mobilité : créer de l’espace puis de la force dans les plus grandes amplitudes pour répondre à l’imprévisible et contrôler les fluctuations.

L’endurance : créer une réserve de santé et porter son organisme plus loin et plus longtemps.

La force : créer une capacité à réguler et produire de la tension pour amplifier les effets des autres éléments.

Des lors, une pratique sportive basique et organisée pourrait se résumer à :

• De la mobilité chargée (halo, prying goblet squat etc), des CARs.
• Du travail d’endurance fondamentale (zone 2), marche, footing, vélo, fitness.
• Des exercices de base en force bas en répétitions mais élevés en mise en tension avec pour ma part une préférence pour le turkish get up (mouvement très complet donc grosse capacité d’attraction) et le kettlebell swing pour la puissance et la capacité de recrutement des fibres rapides.

Avec relativement peu d’éléments, le choix sera plus simple et varier intelligemment sera la clé du succès.

Des outils :

Variez les focus internes et externes :

• Interne : réaliser un exercice avec un focus corps vers corps, par exemple sur le swing se focaliser sur l’extension de hanches, la contraction des abdos, fessiers etc. Sur un CARs d’épaule sur la tension autour de l’articulation.
• Externe : réaliser un exercice avec un focus du corps vers un point extérieur dans l’espace. Swing, projeter la hanche vers l’avant à l’horizon, allonger le sommet du crâne vers le ciel. CARs d’épaule : dessiner le trait le plus large possible et le plus loin possible avec la main.

Variez les placements, la technique sur vos exercices.

• Des petites variations sur vos exercices, position des mains, largeur des pieds, charge, matériel utilisé, permettent de faciliter ou challenger un geste et à terme de le fiabiliser.
• Trouvez de temps en temps des challenges qui vous obligent à favoriser « la répétition pour trouver la solution » plutôt que favoriser « la répétition de répétitions » (constraint led approach)

Armés de ces éléments, vos attracteurs étranges seront les phares dans la brume qui guideront votre bateau. En faisant naviguer votre bateau biologique, votre corps sur des mers différentes, calmes, agitées, vous structurerez la coque d’attracteurs et de fluctuateurs qui vous permettront de répondre à des situations chaotiques.

Bonne navigation.

Lois Robin-Monaco

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